Marie et le Club Volant

Un mois avant son 9e anniversaire, Marie, la fille de Sanne et Stijn à Tielt-Winge, s’est vu diagnostiquer une tumeur cérébrale incurable. Un véritable coup de tonnerre. Moins de neuf mois plus tard, Marie est décédée. Pourtant, les mois qui ont suivi le diagnostic ont été marqués par de nombreux petits bonheurs. Une période très intense qu’ils ont voulu rendre la meilleure possible, en famille. Vivre la vie sans freins, vivre chaque jour pleinement. Pendant ces neuf mois, il y a aussi eu le clown Pluch. Il a littéralement apporté de la lumière et de l’air dans la vie de Marie et de sa famille. Leur lien a même débouché sur une nouvelle initiative de Cliniclowns. Voici l’histoire de Marie.

De tout à rien

« Début mars 2022, un peu moins d’un mois avant les 9 ans de Marie, une chose étrange s’est produite. Lors d’une visite de contrôle à l’hôpital pour quelque chose de tout à fait différent, nous avons remarqué que Marie tenait son pied bizarrement. Plus tard dans la journée, elle a commencé à vomir. Son frère Pol venait d’avoir une grippe intestinale, donc nous n’avons pas immédiatement pensé au pire. Au cours des mois précédents, elle avait parfois parlé d’une « sensation bizarre dans la tête », mais comme cela ne la gênait pas par ailleurs, qu’elle n’avait pas mal et que cela se produisait surtout en voiture, nous l’avons mis sur le compte du mal des transports. Jusqu’à cette nuit-là, où après l’examen, elle est venue dans notre chambre avec des problèmes d’équilibre. Elle parlait aussi avec difficulté à ce moment-là et manifestement, quelque chose n’allait pas.

Notre médecin généraliste nous a immédiatement envoyés au Gasthuisberg à Louvain. Il s’en est suivi un grand nombre de tests et d’examens. Et plus la journée avançait, plus le nombre de médecins augmentait. Ce jour-là, Marie s’est parfois complètement évanouie. Lorsque les médecins nous ont pris à part, nous avons tout de suite su que ce n’était pas bon, que Marie allait mourir. Et la confirmation n’a pas tardé : il s’est avéré que Marie avait une tumeur dans le tronc cérébral qui ne pouvait pas être opérée. Son espérance de vie à ce moment-là était encore de deux semaines à un an au maximum.

Pendant les trois semaines qui ont suivi, Marie a reçu une radiothérapie pour réduire la tumeur ainsi qu’une forte dose de cortisone pour diminuer la pression sur son cerveau. Au cours des premiers mois qui ont suivi le diagnostic, Marie était souvent fatiguée et faible, mais elle a commencé à se sentir mieux. Elle ne s’est jamais sentie à 100 % comme avant, mais il y avait une amélioration. Elle pouvait à nouveau marcher et jouer… Si vous ne l’aviez pas connue avant la tumeur, vous n’auriez pas dit qu’elle était malade. Nous avons passé un été merveilleux tous les quatre. Il a fait un temps magnifique pendant toute cette période.

Un scanner de contrôle a été programmé à la mi-août. Nous étions pleins d’espoir car Marie se sentait très bien. Cependant, il s’est avéré que deux nouvelles tumeurs étaient apparues dans une partie différente de son cerveau. La première tumeur cérébrale était restée stable jusque-là. Marie a reçu trois semaines supplémentaires de radiothérapie contre les nouvelles tumeurs. Mais à partir de septembre, elle a développé de nouveaux symptômes : elle voyait double, avait perdu la sensibilité de sa main droite, son équilibre se détériorait, elle s’étouffait souvent… Alors qu’au début nous pensions encore qu’il s’agissait d’effets secondaires de la radiothérapie, nous sentions de plus en plus qu’il ne pouvait s’agir de la seule explication.
Un nouveau scanner a été programmé à la mi-octobre et il s’est avéré que la tumeur initiale s’était considérablement développée au cours des deux derniers mois. Une nouvelle irradiation serait très difficile pour Marie et ne changerait rien. Les traitements ont été interrompus et l’état de Marie s’est détérioré très rapidement. Chaque jour, il y avait quelque chose de nouveau qui ne fonctionnait plus. Le 12 novembre, la sédation a été mise en place. Trois jours plus tard, le 15 novembre, Marie est décédée chez nous, dans nos bras. »

Pluch et le quartier général de Cliniclowns

« Dès le deuxième jour après le diagnostic, nous avons pris contact avec le clown Pluch. Dans le couloir de l’oncologie pédiatrique, nous avions vu des informations sur les Cliniclowns. Cela semblait être une bonne distraction pour Marie. À cause de l’épidémie de Covid-19, Marie était en quarantaine, donc le premier contact s’est fait par webcam. Il a même eu lieu juste avant la première radiothérapie, pour la distraire de ce qui allait suivre. On se souvient qu’avec le clown Pluch, elle avait inventé une sorte de machine à tartiner le chocolat !(rires)
Après cela, le clown Pluch et Marie ont eu un appel vidéo presque chaque semaine. Marie racontait ses aventures à Pluch et ils inventaient ensemble les histoires les plus folles. Tous deux s’enfonçaient dans un monde imaginaire. Ils ne parlaient jamais de sa maladie. Avec Pluch, Marie pouvait se contenter d’être une enfant, de s’évader pour un temps.

L’un des moments forts pour Marie, avec nous et son frère Pol, a été une visite au « quartier général » des Cliniclowns à Anvers, « où Pluch était le patron ». Une rencontre passionnante, car c’était la première fois que nous nous voyions “en vrai”. Mais même sans écran entre les deux, le déclic s’est fait immédiatement.
Pluch faisait souvent partie des conversations à la maison. L’humour de ou à propos de Pluch était régulièrement adopté par Marie et notre famille. Marie était une grande fan d’Urbanus, tout comme Pluch. Ils se sont donc retrouvés dans ce domaine également. Ils chantaient des chansons ensemble, se taquinaient … Et quand Marie se sentait trop mal, elle prenait plaisir à regarder et à écouter Pluch.
Deux fois, Pluch est venu lui rendre visite à la maison : une fois en été, et une semaine avant la mort de Marie. Elle voulait encore absolument montrer ses chèvres naines au clown Bernadet, même si c’était déjà très difficile pour elle. Elle avait reçu les chèvres le dernier jour de son tout premier traitement de radiothérapie. C’est l’une des dernières fois où elle est sortie dans le jardin. »

Voler, mais pour de vrai

« C’est ce qui caractérisait Marie : elle avait les deux pieds dans la vie, était très réceptive et toujours satisfaite. Elle pouvait être émerveillée par un papillon ou une sauterelle et elle avait un lien particulier avec les animaux. Si elle se sentait un peu mieux, elle passait des heures dehors avec nos poules et nos chèvres. En même temps, elle était très terre-à-terre. Par exemple, elle pouvait nommer ses symptômes de manière très factuelle, sans s’y perdre. Marie ne se plaignait jamais et ne se lamentait jamais. C’était une enfant super, toujours active et très persévérante. Tout le monde l’aimait, mais elle était en fait assez introvertie, surtout à l’égard des nouvelles personnes. Avec son frère Pol, elle était inséparable.

Marie aimait aussi bricoler et dessiner. Elle pouvait passer des heures à nous faire des notes, des cartes ou à bricoler des chasses au trésor. Mais elle ne s’animait vraiment que lorsque l’aventure l’appelait. Son grand rêve ? Pouvoir voler, « mais vraiment voler, comme un oiseau », disait-elle. Au plus vite et au plus haut, au mieux.
Grâce à ses amis et à sa famille, Marie a pu vivre de nombreuses aventures aériennes au cours de ses derniers mois : avec des lunettes de réalité virtuelle, dans une montgolfière, un hélicoptère, un avion de sport, un paramoteur… Elle a même pris des cours de kite-surf. Malgré la fatigue, elle s’est lancée dans la mer avec ce grand cerf-volant. Sa ténacité prenait le dessus.. Des aventures dont elle a longuement parlé à Pluch, bien sûr. »

Libre comme l’air

Marie appelait sa tumeur cérébrale “la petite boule”. Elle savait que la boule ne disparaîtrait pas et qu’elle en mourrait un jour, mais, dans son ressenti, c’était encore très loin. Après le dernier scanner, nous lui avons dit ce qui en était. Elle avait déjà remarqué elle-même que son état se détériorait. Nous lui avions demandé un jour : « Supposons que les médecins aient de mauvaises nouvelles, est-ce que tu veux les connaître ? » Elle était très déterminée à ce sujet : « Bien sûr. C’est mon corps, je dois le savoir ».

Sa première réaction à la mauvaise nouvelle a été intense : « Les médecins peuvent encore me faire tout ce qu’ils veulent, même si ça fait mal, si je peux continuer à vivre ». On ne devrait pas avoir à dire à son enfant qu’il est en train de mourir… En même temps, on est étonné de la capacité de résistance d’un enfant dans un tel moment. Une demi-heure plus tard, elle voulait jouer à un jeu. Les enfants peuvent changer très rapidement de sentiments.

C’était la conversation la plus difficile que nous ayons jamais eue, mais nous la referions de la même manière. Après cette conversation, tout était permis, nous n’avions plus besoin de cacher quoi que ce soit. Marie pouvait aussi en parler et nous pouvions encore nous dire tant de choses adorables. Par exemple, elle a dit : “Si je dois mourir de toute façon, j’aimerais revenir sous la forme d’un oiseau”. Quand elle était petite, nous lui avions dit que certaines cultures croyaient en la réincarnation. Les personnes qui meurent reviennent sous une forme différente, comme un animal, par exemple. Elle s’en souvenait très bien. « Peut-être que si je meurs, le petit oiseau pourrait devenir un symbole de ma mort. » Au cours des dernières semaines, nous avons fait fabriquer des nichoirs avec l’oiseau qu’elle avait choisi et son nom écrit par elle-même, que nous avons déjà distribués. Ainsi, elle savait qu’elle serait la bienvenue partout et qu’elle aurait déjà sa place.

À la fin, Marie a dit qu’elle préférait être « un grand oiseau » pour pouvoir voler longtemps et loin.
Le lendemain de ses adieux, nous sommes allés nous promener et nous avons soudain vu un héron blanc : un oiseau très discret, calme et gracieux. Un oiseau qui conviendrait bien à Marie. Le lendemain, j’ai revu un héron blanc, puis le surlendemain. Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Même si, rationnellement, nous ne voulons pas trop y penser, nous la sentons proche chaque fois que nous voyons un héron blanc.
De nombreuses personnes envoient également un message ou une photo lorsqu’elles en rencontrent un. Cela nous fait toujours plaisir ».

Le Club Volant

Clown Pluch :

Grâce à Marie, une graine a été plantée dans mon esprit. J’avais ressenti l’impact des  visites à domicile sur Marie et sur nous, les Cliniclowns. Pourquoi ne ferions-nous pas cela plus souvent, pour des enfants dans des situations similaires ? Entre-temps, j’avais également constaté auprès de nos collègues clowns en Europe que notre travail avec les patients en phase palliative pouvait être très utile. J’ai soumis cette idée à Sanne et Stijn. Voudraient-ils nous donner un coup de main ? Après tout, Marie était l’instigatrice directe de cette initiative, le lien avec elle devait donc exister. Sanne et Stijn ont tout de suite été enthousiastes et c’est ainsi qu’est né le Club Volant, inspiré par et pour Marie. C’est elle qui a choisi le design du flyer : évidemment – une montgolfière.

Sanne & Stijn :

« Les Cliniclowns ont beaucoup apporté à Marie et à notre famille tout au long du processus de soins. Le sourire sur son visage lors des appels vidéo. Le clown Pluch qui se souvenait de tout de ses animaux et de leurs aventures (aériennes), leurs conversations rigolottes… Rien n’était obligatoire, mais tout était possible. Pluch est devenu son ami et est resté présent entre les contacts, dans nos blagues ou nos conversations à la maison. Elle a pu apprécier les visites à domicile et cela reste un souvenir précieux. Nous gardons les Cliniclowns pour toujours dans nos cœurs. »