Au-delà de l’arc-en-ciel : Léon

Une bête chute sur son coude alors qu’il jouait. En mars 2022, tout a changé pour Léon, alors âgé de 3 ans, et pour ses parents. Ce qui semblait être une infection ou une inflammation banale s’est avéré être une tumeur osseuse rare. En septembre 2023, Léon est décédé… Il n’avait qu’un seul souhait : devenir grand frère. Aujourd’hui, un an plus tard, c’est presque chose faite. Et maman Ine et papa Sébastien vont finalement réaliser son rêve.

« Les médecins étaient perplexes lorsque nous sommes arrivés à l’UZ Leuven en avril. Ils n’avaient jamais vu une tumeur aussi rare chez un enfant aussi jeune et dans un endroit aussi étrange. En moins d’un mois, la tumeur du coude de Léon était passée d’un grain de sel à une tumeur de 6 cm sur 15. Verdict : 14 séances de chimio.

En novembre, ils ont ensuite retiré tout le morceau d’os, du coude à l’épaule. Léon a reçu une greffe osseuse et une prothèse dans la partie supérieure du bras. L’opération s’est bien déroulée, tout comme son rétablissement. Il était censé rester à l’hôpital jusqu’à huit semaines et être à peine capable de faire quoi que ce soit, mais après seulement six jours, nous étions rentrés à la maison et Léon a dit : “Je veux faire du vélo”. Il ne pouvait plus s’étirer ou se pencher complètement, mais il ne voyait pas cela comme une limitation.

Malheureusement, les médecins ont constaté que les bords de la tumeur n’étaient pas nets. Une autre longue série de radiothérapies a suivi. En janvier, Léon a subi sa dernière chimio, et nous pensions qu’il allait se rétablir complètement. Mais les examens finaux d’avril ont révélé que ses poumons étaient pleins de métastases. Apparemment, pendant la période sans chimio, le cancer avait fait son chemin vers d’autres endroits de son corps. Une troisième série de chimiothérapie a alors été entamée. Le 12 juillet, le lendemain de son cinquième anniversaire, Léon était attendu à l’hôpital pour un nouveau traitement de chimiothérapie. Mais c’est là que s’est déroulée la conversation que nous redoutions depuis un certain temps : Léon avait épuisé tous les traitements… »

PAILLETTES, GLAMOUR ET ARC-EN-CIEL

« Léon adorait construire. Toute notre maison était remplie de constructions. Mais il ne jouait pas avec, seules la construction et la démolition l’intéressaient. (rires) Pourtant, Léon n’était pas un garçon extraverti. Il était un grand fan de Camille, voulait être un K3 plus tard et adorait les arcs-en-ciel. Plus il y avait de paillettes et de glamour, mieux c’était ! Il était différent, c’est certain. L’été dernier, par exemple, il a porté de nombreuses robes, juste parce qu’il les aimait et qu’il se sentait bien dedans. Nous ne l’avons jamais empêché de le faire. Cette ouverture d’esprit caractérisait Léon. Il était très franc et unique dans tout ce qu’il faisait et disait. Il éveillait quelque chose chez beaucoup de gens. Et une fois qu’on entrait dans son cœur, on ne pouvait plus en sortir. Il était alors prêt à tout pour vous. »

SA CLINICLOWN CHARLIE

« La clown Charlie passait toujours le jeudi. Ce jour-là, Léon pouvait aller deux fois en classe d’hôpital et à la kiné de groupe, mais il ne voulait absolument pas y aller cause de cela. Léon adorait Charlie. Lorsque nous avons pensé que nous avions terminé la dernière chimio en janvier, nous étions bien sûr très heureux. Léon, lui, était immensément triste parce qu’il ne reverrait plus la clown Charlie. Il a trouvé cet au revoir très difficile après un an. Ce soir-là, au moment de se coucher, il a dit : “Charlie est pour toujours dans mon cœur”. Aussi fou que cela puisse paraître, il se sentait chez lui à l’hôpital : dans son couloir, avec ses clowns. »

« Nous attendions toujours avec impatience l’arrivée de Charlie : le jeudi, Léon était plein de vie. On l’entendait rire, jouer et s’amuser toute la journée. Faire des câlins à Charlie était son activité préférée. Il l’aimait tellement qu’il la suivait même dans le couloir pour aller dans d’autres chambres. Un jour, Charlie a été malade et n’a pas pu venir : Léon était en colère toute la journée (rires). Votre enfant qui est si éteint, mais qui revit un jour par semaine et oublie qu’il est malade : cela vaut tout l’or du monde. Avec Charlie, Léon pouvait être un enfant pendant un moment. Même lorsqu’il était en soins palliatifs et que nous ne venions plus à l’hôpital, il a beaucoup profité du contact avec la clown Charlie. Ils se sont encore retrouvés quelques fois en face à face, et c’était toujours des moments où il se sentait mieux. »

LA COÏNCIDENCE N’EXISTE PAS

Depuis le jour où Léon a eu un cancer, nous ne croyons plus aux coïncidences. Car comment expliquer qu’une tumeur, petite comme un grain de sel, se mette à grossir à la suite d’une chute malencontreuse ? Tout comme son chiffre fétiche, le 11 : Léon est né le 11 juillet 2018 et décédé le 11 septembre 2023. Tout petit, il comptait jusqu’à 11, en sautant le 10. Et même son ours en peluche s’appelait Elf (l’équivalent néerlandais de 11)”.

Tous les arcs-en-ciel que nous voyons ne sont pas non plus une coïncidence. La semaine qui a suivi sa fête d’adieu, nous en avons vu un tous les jours. Peu après, nous sommes partis tous les deux en Crète : rien que tous les deux, loin du monde. De retour à la maison, nous avons marché jusqu’à l’endroit préféré de Léon et lui avons dit : “Comme ce serait beau si un arc-en-ciel apparaissait maintenant ! Normalement, la famille et les amis nous envoient immédiatement une photo. Mais celui-ci était si subtil, si petit, que nous savions qu’il n’était destiné qu’à nous. Nous en voyons souvent un lors de nos anniversaires. Comme à chaque échographie du petit frère de Léon. Comme ça, Léon est avec nous, nous le sentons. »

POUR TOI, J’ATTENDRAI TOUJOURS

« Nous n’avons jamais dit à Léon qu’il allait mourir, mais nous avons parlé de la mort en général. Lors d’une de ses dernières nuits, il m’a demandé ce qui se passait quand on mourait. Je lui ai demandé : “Qu’est-ce que tu en penses ? Il m’a répondu : “Quand je mourrai, j’irai jusqu’à l’arc-en-ciel. Je pourrai alors glisser vers le bas pour te rejoindre et manger des glaces arc-en-ciel tous les jours”.

Vous connaissez le livre d’images “Pour toi, j’attendrai toujours” de Hanne Luyten ? Dans ce livre, des chenilles se cherchent pour faire un arc-en-ciel ensemble. Mais chaque fois qu’une chenille en trouve une autre, elle est occupée à quelque chose et demande : je suis encore occupée à faire ceci. Veux-tu attendre un peu ? Ce à quoi l’autre chenille répond : “Pour toi, j’attendrai toujours.” Nous avons souvent lu le livret pendant ce dernier été, et nous nous sommes souvent dit cette phrase. La veille de sa mort, Léon m’a demandé : “Maman, qu’est-ce que les chenilles se disent encore ? Je lui ai répondu : “Pour toi, j’attendrai toujours.” C’est comme si une paix s’était installée, car un jour plus tard, il fermait définitivement les yeux. »

L’ADIEU À TRAVERS LES YEUX DES ENFANTS

« La fête d’adieu de Léon a été très spéciale. Très triste et très belle à la fois. Nous avions décoré son cercueil comme il le souhaitait : plein de paillettes et avec toutes les mains de ses camarades de classe et de ses professeurs à la peinture colorée sur le côté. Au sommet, il y avait nos mains et celles de sa famille et de ses amis. Même lors des salutations, il y avait des couleurs arc-en-ciel et même des tatouages de paillettes partout. Plus de 800 personnes sont venues dire au revoir à Léon, ce qui nous a donné beaucoup de force.

Derrière la salle des fêtes se trouvait un jardin, où nous avions placé le cercueil après la cérémonie. Nous y avons lâché des ballons avec toutes les personnes présentes, dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Ses amis ont reçu des paillettes pour saupoudrer le cercueil de Léon, et ils y ont déposé des fleurs. Certains sont même venus serrer le cercueil dans leurs bras. C’était très émouvant. En tant qu’adultes, nous sommes submergés par le chagrin, mais les enfants, eux, font ce qui leur semble juste. Et pour eux, cela signifiait être le plus proche possible de Léon. Nous avons beaucoup à apprendre de l’essence de l’enfance”. »

GRAND FRÈRE

Au début de l’année 2023, Léon disait très souvent qu’il voulait être un grand frère. Comme l’avenir était encore prometteur, nous voulions nous aussi avoir un deuxième enfant lorsque Léon serait complètement guéri. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Mais nous voulions tout de même réaliser son plus grand souhait. Quatre mois après la mort de Léon, nous attendions un bébé. Bien sûr, nous sommes remplis d’inquiétudes et de craintes, d’autant plus que nous savons que ce sera un garçon. D’une certaine manière, on a toujours peur qu’il lui arrive la même chose, même si c’est génétiquement exclu. C’est très ambivalent, mais il n’y a pas de doute : nous ne nous voyons pas sans enfants, et c’était le grand rêve de Léon. Nous avons donc choisi le prénom de son petit frère en pensant à Léon”.


CLINICLOWN CHARLIE :

« Je me souviens très bien de la première fois que j’ai rencontré Léon. Je venais de remplacer ma collègue, la clown Lizzie, dans le service d’oncologie. Lizzie y travaillait comme clown depuis 10 ans et connaissait le service sur le bout des doigts. Je me sentais donc très peu sûre de moi et très nerveuse. Léon a été le premier à connaître mon nom et à m’accepter comme “clown Charlie”. Le contact avec Léon a renforcé ma confiance en moi et m’a fait grandir en tant que personne. Sans lui, la clown Charlie n’aurait jamais pu s’implanter aussi rapidement dans ce département. Je lui en suis incroyablement reconnaissante. »

« Je trouvais Léon très spécial. Par exemple, il avait toutes sortes de livres d’amis et j’avais aussi le droit d’y écrire. Je ne connaissais pas la réponse à une question : “De qui es-tu secrètement amoureux ? Car que dire quand on est clown ? Mais pour Léon, c’était très clair : j’étais amoureuse de lui, bien sûr ! (rires) Léon n’aimait rien de mieux que les farces, les taquineries et les plaisanteries. Nous en avons donc fait beaucoup. Il était très intense, d’une manière unique et attachante. J’ai l’impression qu’il a tiré tout ce qu’il pouvait de sa courte vie. »

« Je me souviens d’un moment où Léon m’a réconforté. Lui, un petit garçon de moins de cinq ans, m’a dit que tout allait bien et m’a pris dans ses bras. D’une certaine manière, Léon était comme un petit frère ou un cousin pour moi. J’avais avec lui un lien que je ne ressens pas forcément avec tous les enfants. Un lien que je chéris et qui fait que je repense souvent à Léon. »